L’hôtel-casino Barrière à Lille : un luxueux paquebot voguant à travers la nuit

Le sentiment, ne serait-ce qu’une seconde, d’être dans la peau de Quasimodo. Le vertige en plus. À plusieurs dizaines de mètres d’altitude, penché dans le vide, la vue sur le pont des Flandres est imprenable. La carapace translucide protégeant la façade, et donnant la nuit son apparence bleutée à l’hôtel-casino Barrière, filtre la vue. Derrière cet immense écran, piétons et véhicules, là tout en bas, sont des éléments de jeu vidéo. L’immeuble de 44 000 mètres carrés (dont la moitié accessible au public) cingle à travers le paysage urbain tel un vaisseau. La proue pointée (un défi ?) vers la Belgique. « Notre clientèle rajeunit, explique Patricia Legros, directrice de l’établissement ouvert en 2010. Elle est de plus en plus décomplexée et réclame de l’innovation en permanence. »
Pyramide de gâteaux
Le complexe Barrière, ce sont déjà cinq cuisines, sans compter des offices (des mini-kitchens). L’intendance d’un lieu ayant servi 220 000 couverts en 2013 doit savoir suivre. « Nous avons le statut de maître-restaurateur, souligne Yannick Joguet, une directrice de la restauration à la tête d’une armée de serveurs, barmen, cuisiniers et autres maîtres d’hôtel. Nous parions essentiellement sur les produits frais. » Le ventre lillois de Barrière est une caserne planquée en coulisses, dont les arsenaux sont d’immenses chambres froides gavées aux viandes, poissons et autres légumes. « Ici, on mange 24 heures sur 24, résume Yannick Joguet. Du croque-monsieur à 4 € au menu dégustation à 90 €. » Il faut nourrir sur le pouce ou le gourmet exigeant du palace cinq étoiles. Un peu plus haut, Adrien Jean et son équipe ne lèvent pas la tête. Le restaurant La Terrasse du Parc accueille en général 300 convives par jour, dont 60 % pour son buffet. Quelques portes battantes plus loin, une autre fierté du lieu : son atelier à pâtisseries. Ici, tartelettes aux fraises, choux à la crème et autres délices au chocolat sont créés ex-nihilo. Autour de Florian Declercq, au fil de la matinée, une pyramide multicolore de gâteaux s’élève, cernant progressivement le sous-chef pâtissier. Le seul buffet gobera quarante-deux tartes par jour.
Cocktail en chemin
Il existe des usines à gaz qui méritent le détour. Le système Harton en est. Chez Barrière, les bars aussi sont légion. Presque un sur chaque pont. « Il serait impossible de stocker et bien sûr d’évacuer des canettes vus les volumes consommés, met en garde la directrice de la restauration. La solution est en sous-sol. » Les fûts de bière, tout comme les sirops et boissons pétillantes, sont remisés à des dizaines (voire des centaines) de mètres des becs d’où ils couleront face au consommateur. Quant un ajout d’eau est nécessaire, le cocktail se réalisera en chemin, grâce à une interconnexion des fluides. Pour ce qui est des bouteilles d’alcools « forts » (whiskys, etc.), une puce électronique noyée dans le bouchon permet le dosage exact. Tout aussi modulable, la salle de spectacles. Quand le public vient applaudir Michèle Laroque et Pierre Palmade, les sièges s’écoulent jusque sous l’œil des comédiens. En mode « cabaret » pour le dîner-spectacle du vendredi soir (en ce moment, Icônes) ou « mariage », les sièges et la scène reculent, s’escamotent. Au moment où la salle s’est ouverte, l’Orchestre national de Lille était sans locaux, mis à la porte de la salle du Nouveau siècle par les travaux de réfection. L’ONL a trouvé asile chez Barrière. « Jean-Claude Casadessus est venu tester la salle, sourit Martial Fritz, le chargé de communication du complexe. Une consécration. »